Révolution ou Guerre n° 10

(Semestriel - Septembre 2018)

PDF - 694.9 ko

AccueilVersion imprimable de cet article Version imprimable

Marxisme et question nationale

La fin de l’année 2017 fut marquée par le renouveau des querelles nationalistes en Europe. Après l’Écosse, puis la Flandre en Belgique, l’indépendantisme catalan a resurgi à son tour tout comme, à un degré moindre l’indépendantisme corse. Ces mouvement indépendantistes touchant des ’vieilles nations capitalistes’ font suite à la création de nouvelles nations après l’explosion du bloc de l’Est, pays baltes, Tchéquie et Slovaquie, l’ex-Yougoslavie. Bien souvent, ces mouvements nationalistes sont portés, pas toujours (Catalogne et Écosse) [1], par des partis d’extrême-droite. Que représentent ces mouvements nationalistes et quels sont les enjeux, et surtout quel danger, pour le prolétariat international, et particulièrement celui des pays ou régions considérées ?

La plupart des groupes de la Gauche Communiste ont su répondre au poison nationaliste par un internationalisme intransigeant [2]. Certains groupes, en particulier le blog Nuevo Curso [3], ont su analyser correctement la situation politique et tirer de celle-ci des orientations adéquates, tâches fondamentales de toute organisation révolutionnaire. Entre autres, Nuevo Curso a su dans ses diverses publications relever le danger de guerre en filigrane de la situation espagnole si jamais le prolétariat devait adhérer massivement à l’un ou l’autre des camps nationalistes. Cette perspective, nous la partageons pleinement.

D’autres groupes comme Robin Goodfellow et la Communist Workers’ Organisation ont quant à eux exprimé des prises de positions plus ou moins confuses sur certains aspects en cette occasion. Le premier groupe, pourtant de tradition ’bordiguiste’, un courant qu’on ne peut accuser de penchants démocratistes, donne le droit aux catalans à l’auto-détermination parce que la République démocratique pourrait constituer un terrain de lutte du prolétariat contre la bourgeoisie. [4] On peut lire entre autres dans leur prise de position que le prolétariat doit « réclamer la destitution de Philippe VI, l’abolition immédiate de la monarchie et la proclamation de la république » et « réclamer la tenue d’une assemblée constituante pour élaborer les formes de cette république (unitaire, fédérale…). » Tout cela au nom d’un ’retour à Marx’ de 1848, c’est-à-dire dans un attachement à la lettre aux écrits de Marx et Engels contre l’esprit même de ces écrits maintenus vivants par la gauche italienne !

La prise de position de la CWO quant à elle ouvrait la porte à des confusions en laissant entendre de fait qu’une brèche prolétarienne pourrait s’ouvrir à partir des luttes entre nationalismes. [5] En effet on appelait à la mise sur pied d’assemblées ouvrières en pleine ’grève ’ nationaliste. Le danger politique étant d’apposer une étiquette révolutionnaire au mouvement nationaliste, et ainsi participer involontairement à l’engagement de prolétaires dans la dynamique bourgeoise des catalanistes, au lieu de le dénoncer pour ce qu’il est vraiment, comme on peut le voir dans le passage suivant : « Nous avons besoin d’une organisation internationale, un parti, qui peut intervenir efficacement dans des événements tels que la grève en Catalogne – afin de pousser la lutte hors du contrôle des syndicats et des partis institutionnels, et de déclarer l’autonomie par rapport à toutes les couches de la classe dirigeante, peu importe leur nationalité. » [6]

Le but du présent texte est donc de reprendre le débat sur la question nationale, mais d’un point de vue qui tient davantage à la théorie qu’à la chronique d’actualité. Non pas que la 2e option soit mal en soi : le blog Nuevo Curso a déjà rempli cette tâche de manière plus qu’adéquate. Nous voulons ici seulement reprendre le fil de la théorie révolutionnaire sur la question nationale dans l’optique de Marx, Engels et surtout de la Gauche Communiste et ainsi poursuivre le débat et la confrontation politiques.

1. Marx et Engels sur les relations internationales en Europe

Tout le long des nombreux débats sur la question nationale, en particulier à l’époque de la 2e Internationale, un élément était constamment au mieux sous-estimé, au pire complètement oublié. En effet, lors de ces débats, on se tortillait à donner une définition savante du concept de nation qui pourrait alors donner les bases à la social-démocratie pour une orientation correcte sur la question nationale. Pour les uns, le fait national est d’abord culturel, pour d’autres il serait linguistique ou juridique. Certains prônaient l’autonomie nationale, d’autres l’autodétermination. Ces tentatives de définition peu fructueuses du point de vue révolutionnaire était davantage l’expression de la pénétration de l’idéologie bourgeoise, graduelle mais certaine, au sein de la social-démocratie qu’une continuité politique marxiste avec les ’pères fondateurs’. Pour Marx et Engels, et cela est le fil conducteur de toute leur activité militante [7] dans la 2e moitié du 19e siècle, la nation est avant toute chose un produit historique et politique. En fait, elle est le terrain par excellence du développement économico-politique de la bourgeoisie et de sa lutte contre la féodalité décadente.

Ainsi, dans le conflit de classe qui mettait au prise la bourgeoisie et la féodalité, c’est littéralement deux civilisations qui s’opposaient comme l’ont affirmé Marx et Engels dans la Nouvelle Gazette rhénane en 1848 « en Allemagne, la lutte pour la centralisation contre un système fédératif, c’est la lutte entre la civilisation moderne et la féodalité. » La bourgeoisie prônait l’établissement d’un organisme centralisant et délimitant la vie économique, la nation avec un marché intérieur, régie par un organe politique unitaire, la république démocratique. [8] La féodalité, quant à elle, tentait par tous les moyens de s’accrocher à ses derniers débris de domination au travers de la petite principauté du Moyen-Âge et de la monarchie absolue.

Contre toutes les conceptions moralisantes, romantiques et mythiques de la nation associées aux multiples formes de nationalismes, Marx et Engels mettaient sur pied une théorie matérialiste et historique des relations internationales qui prenait en compte le fait national. Le principe en est plus que simple. Le prolétariat doit s’allier à la bourgeoisie d’abord pour vaincre l’ennemi commun, l’aristocratie, dans une lutte qui prend nécessairement une forme nationale et démocratique. Dans ces conditions, le prolétariat appuie les revendications liées à la libération nationale. Une fois la féodalité défaite et la bourgeoisie au pouvoir, le prolétariat peut diriger sa lutte directement contre la bourgeoisie. Le contenu de sa lutte devient ainsi intrinsèquement international et internationaliste parce que le prolétariat ne lutte plus avec et pour une autre classe de la société civile en tant que ’peuple’, mais lutte de manière autonome en tant que "prolétariat international".

Nations historiques contre fragments de peuple

De même, Marx et Engels utilisaient à l’époque une terminologie qui aurait fait crier bien des gauchistes tiers-mondistes qui se proclament pourtant ’marxistes’. Les nations qui se mettaient en branle contre l’aristocratie étaient qualifiées de nations historiques ou de nations dotées de vitalité. Celles-ci avaient l’appui de Marx et Engels dans leur lutte nationale. À l’opposé, les ’fragments de nations’ qui finissaient toujours par appuyer d’une manière ou d’une autre la féodalité étaient caractérisés comme des nations sans histoire ou sans vigueur. Marx et Engels ne les appuyaient en aucun cas, en fait, ils les dénonçaient comme base de la réaction européenne. Leur idéologie, par exemple le panslavisme, était pour eux un vestige de particularismes moyenâgeux.

La conception du capital en deux phases distinctes associée à la théorie de la décadence du capitalisme est fondamentale. Marx et Engels reconnaissaient la nature révolutionnaire de la lutte de la bourgeoisie contre la féodalité. Dans la période de montée en puissance de la bourgeoisie, la phase ascendante du capitalisme, le prolétariat, bien que tendant déjà à défendre ses intérêts propres de classe, pouvait aussi ’s’allier’ à l’occasion avec celle-ci dans son combat contre les restes de société pré-capitaliste – en particulier contre la féodalité – afin d’accélérer, voire de permettre dans les pays où la bourgeoisie était trop ’faible’, la domination définitive du capital national et la constitution de véritables États nations nécessaires au développement du capital national. Cette période historique s’est progressivement éteinte avec l’apogée du capitalisme que l’on peut fixer à partir de la constitution de l’État allemand suite à la guerre franco-prussienne de 1870 jusqu’à 1914. Au cours celle-ci, le prolétariat international s’est de plus en plus affirmé par sa lutte de classe comme classe révolutionnaire en opposition frontale avec la bourgeoisie et les restes de classes aristocratiques désormais liées à la première.

Dans sa deuxième phase, la décadence, le développement du capitalisme passe ’d’historiquement nécessaire’ à réactionnaire parce que la bourgeoisie, maintenant au pouvoir et son système de domination bien en place, veut défendre bec et ongle son mode de production contre la nouvelle classe révolutionnaire qui émerge du développement même du capitalisme, le prolétariat. Du point de vue politique, n’ayant plus ’rien à gagner’ et tout à perdre à établir des alliances quelconques avec la bourgeoisie, et les conditions matérielles pour le communisme ayant suffisamment mûri, celui-ci peut ainsi afficher et lutter plus directement pour son propre programme politique autonome, le programme communiste. Dans ses luttes quotidiennes, le prolétariat défend évidemment ses conditions de vie, mais le développement du capitalisme permet à la perspective du communisme d’apparaître comme nécessité finale de ses luttes. Ainsi, toutes les revendications d’ordre démocratiques ou nationales deviennent obsolètes en ce sens qu’elles étaient l’expression de la lutte entre la bourgeoisie et l’aristocratie, donc l’expression d’une phase antérieure et révolue de l’histoire, antagonisme qui est remplacé par la lutte entre la bourgeoisie et le prolétariat.

Centralisation, démocratie, grandes nations et république

C’est ainsi que Marx et Engels ont supporté l’indépendance de la Pologne dans la deuxième moitié du 19e siècle. Leur appui n’était pas basé sur des considérations morales sur les nations opprimées, mais avant tout sur la perspective de développement de la démocratie en Europe et l’affaiblissement du régime tsariste, considéré justement comme l’ultime forteresse de la réaction féodale en Europe. Tout développement démocratique d’une ’nation historique’ représentait le développement de la bourgeoisie contre l’aristocratie et par conséquent une bataille gagnée du capitalisme contre la féodalité.

Marx et Engels ont aussi toujours eu tendance à appuyer les ’grandes nations’, les grands États centralisés comme expressions politique les plus pures de la montée en puissance de la bourgeoisie. Comme le note Engels « dans toute l’Europe, il n’est pas une seule grande puissance qui n’ait incorporé à son territoire des partis d’autres nations… Personne ne soutiendra que la carte de l’Europe soit définitivement tracée. Mais, tous les changements, pour être durables, doivent tendre dans l’ensemble à rendre de plus en plus aux grandes nations européennes, douées de vitalité, leurs frontières naturelles, fixées d’après la langue et les sympathies. En même temps, les fragments de peuples, que l’on trouve encore ça et là, et qui ne sont plus capables de mener une existence nationales, restent incorporés aux grandes nations, soit en s’y dissolvant, soit en se conservant comme de simple monuments ethnographiques sans importante politique. Les considérations militaires n’interviennent qu’en second lieu. » [9] Autant le particularisme, le fédéralisme et la division étaient l’expression de la féodalité, l’essor du capital doit se faire dans le cadre de la nation, de sa centralisation et de son unité.

On situe habituellement le point de rupture entre les deux phases du capital à 1914, c’est-à-dire lors de l’éclatement de la Première Guerre mondiale. Ce qu’exprime l’année 1914, c’est que du point de vue géopolitique, le capital a conquis et colonisé l’entièreté de la planète. Une nation n’a plus aucun autre endroit pour son expansion qui ne soit déjà conquis par une autre nation, d’où le caractère mondial et impérialiste de cette guerre. Mais le processus du passage de l’ascendance du capitalisme à sa décadence était déjà enclenché avant 1914 et a continué même après. C’est justement pour cette raison, les années 1910-1920-1930 étant une période charnière entre ascendance et décadence durant laquelle des caractéristiques de la première période pouvaient encore perdurer, qu’il était difficile pour les révolutionnaires de cette époque d’avoir une position définitive sur une série de questions qui aujourd’hui paraissent évidentes. [10]

Il faut d’ailleurs souligner toute la hardiesse de la position de Rosa Luxemburg sur la Pologne qui, durant cette époque charnière où la plupart des révolutionnaires défendait le principe de la libération nationale, en est arrivée à faire le tour de force de cesser de revendiquer l’indépendance pour la Pologne, mais dans l’esprit des arguments et avec la même méthode que Marx et Engels ! En effet, pour Luxemburg le développement du capital en Russie et en Pologne, en retard sur le reste de l’Europe mais de caractère très concentré, et son corollaire l’essor d’une classe de prolétaires sur l’ensemble de l’Europe de l’Est rendait l’indépendance de la Pologne désuète. On doit se rappeler que pour Marx et Engels, l’indépendance de la Pologne servait avant toute chose à l’essor de la démocratie et du capitalisme en Europe contre le tsarisme. L’essor du capital, lent mais certain, commençait à saper les bases mêmes de l’absolutisme en Russie et ce, malgré une bourgeoisie poltronne. [11] L’essor d’une classe de prolétaires signifiait aussi essor de la social-démocratie sur tout le territoire. C’est ainsi que Luxemburg préconisait l’unité de tous les social-démocrates de l’empire tsariste, selon la même conception que Marx et Engels sur les grand États centralisés contre les particularismes nationaux qui vont contre le cours de l’histoire.

Il faut se garder de s’en tenir à la lettre aux écrits de Marx et Engels, mais il faut au contraire continuer à appliquer la méthode qui est en filigrane de leurs écrits et qui en exprime ’l’esprit’ » politique. En cela, Rosa Luxemburg fut un exemple vivant de continuité politique par rapport au marxisme : «  Toutes les manifestations et tous les facteurs du progrès social en Pologne et surtout son facteur principal, le prolétariat polonais et le rôle qu’il a joué dans la révolution général de l’Empire tsariste, ont surgi sur les fondations de ce même développement bourgeois-capitaliste. Le progrès social et le développement révolutionnaire de la Pologne se rattachent ainsi au processus capitaliste par ces mêmes liens historiques indissolubles qui ont uni la Pologne et la Russie et qui ont enterré l’idée nationale polonaise. Par conséquent, toutes les aspirations séparatistes tendant à ériger une barrière artificielle entre la Pologne et la Russie sont, de par leur nature même, dirigées contre les intérêts du progrès social et du développement révolutionnaire, ce sont des manifestations de la réaction. En même temps, après l’échec final du programme de l’État-nation et de l’indépendance nationale, l’idée nationale a été réduite à une idée générale et floue de séparation nationale et, sous cet aspect, le nationalisme polonais est devenu une forme de réaction sociale sanctifiée par la tradition. » [12]

2. Lénine et la 3e Internationale

La 1ere Guerre Mondiale

Avec l’éclatement de la 1ère Guerre Mondiale, l’ampleur de la faillite de la social-démocratie fut exposée auprès d’un prolétariat plus que désemparé. L’ampleur de cette faillite montrait clairement que l’adoption du ’marxisme’ par la social-démocratie était tout à fait formelle (le centre kautskyste en est le meilleur exemple), quand celui-ci n’était pas simplement rejeté par la droite bersteinienne. D’ailleurs, si on prend formellement les écrits de Marx et Engels et qu’on les abstrait de leur méthode, on peut justifier n’importe quelle politique contre-révolutionnaire. C’est ainsi que la social-démocratie allemande en 1914 pouvait justifier l’adoption des crédits de guerre pour son gouvernement par l’argument de la guerre de la ’civilisation allemande’ contre la ’barbarie tsariste’. Marx n’était-il pas lui-même violemment contre le régime tsariste ? De même, le socialisme français pouvait lui aussi participer à l’union sacrée sous prétexte de la défense de la ’République et des valeurs de la Révolution française’ contre le militarisme prussien des junkers. Marx n’était-il pas avant tout un démocrate en 1848 ?

C’est donc la gauche radicale au sein de la social-démocratie qui fut la véritable continuatrice du courant marxiste révolutionnaire. Ses militants, pleinement formés à la méthode marxiste, ont bien reconnu le changement de période marqué par 1914 et le caractère impérialiste de cette guerre. Les militants de gauche, sous le leadership de Lénine, ont su tiré des événements la seule tactique révolutionnaire possible, le défaitisme. Que Lénine ait pris position pour le droit des nations à l’autodétermination est tout à fait secondaire dans la mesure où sa position sur la guerre était, elle, parfaitement claire. Comme nous l’avons vu plus haut les années 1910-1920-1930 était réellement la période charnière entre l’ascendance et la décadence du capital. Donc des positions ’transitoires’ comme celles de Lénine sont compréhensibles. L’erreur des ’léninistes’ est de reprendre la tactique du droit à l’autodétermination et dans faire une position absolue, bonne en tout temps et en tout lieu, alors que cette position est tout à fait obsolète aujourd’hui.

Les concesssions au tiers-mondisme

Là où la 3e Internationale commença réellement à se distancer du marxisme sur la question nationale fut lorsqu’on adopta le principe du soutien à tout nationalisme de peuples opprimées. En effet à partir du Congrès de Bakou sur les peuples d’Orient (1920), on commence à faire la distinction entre le nationalisme des peuples opprimés, qui serait progressiste par nature, et le nationalisme des peuples oppresseurs qui lui serait réactionnaire. Cette distinction a d’abord été théorisé par Lénine : « Il faut distinguer entre le nationalisme de la nation qui opprime et celui de la nation opprimée, entre le nationalisme d’une grande nation et celui d’une petite nation. » [13] Cette conception qui est vraiment l’antithèse des positions marxistes sur la question nationale exprimait la pénétration de l’idéologie bourgeoise au sein du mouvement communiste, ici sous la forme du tiers-mondisme.

En plus, l’adoption par l’IC de l’orientation en vue du développement de révolutions nationales anti-coloniales en Orient comme support du pouvoir soviétique marquait un pas, un pas seulement parmi d’autres, vers l’abandon du principe de révolution mondiale et son remplacement par l’utilisation des antagonisme inter-impérialistes au profit de l’État soviétique. L’URSS utilisant les luttes anti-colonialistes pensait affaiblir ainsi l’impérialisme. En fait, elle ne faisait que s’insérer graduellement dans les ficelles de l’impérialisme mondial jusqu’à devenir à terme un des pôles impérialistes dominants après que le principe du socialisme en un seul pays fut mis de l’avant et que l’URSS eut participé à la 2e Guerre Mondiale.

3. Le communisme abolira les frontières nationales

Il est de bon goût dans les milieux gauchistes de mettre de l’avant la formule creuse selon laquelle le communisme abolira l’oppression nationale. Or cette demi-vérité cache bien le rôle réactionnaire du gauchisme, c’est-à-dire de toujours tenter de ramener les franges du prolétariat se mettant en branle politiquement sur le terrain du capitalisme. De même, il est réducteur de dénoncer le nationalisme en ce qu’il divise le prolétariat. Non seulement le nationalisme divise, mais il unit idéologiquement et politiquement le prolétariat à sa propre bourgeoisie nationale, ce qui implique comme conséquence ultime l’adhésion du prolétariat à la guerre impérialiste.

Or le but du communisme n’est pas de libérer chaque nation de l’histoire de l’humanité ou encore de rendre toutes nations égales, mais bien d’abolir les frontières nationales pour qu’à terme se forme une culture mondiale dans une société sans classe ni État. Comme le rappelait Luxemburg, « si la société socialiste fait des masses populaires des gens cultivés, elle leur donnera aussi la possibilité de maîtriser plusieurs langues, des langues mondiales, et de participer ainsi à toute la culture internationale de notre milieu culturel et pas seulement à la culture particulière d’une seule communauté linguistique nationale  ». [14]

Robin, juillet 2018

Accueil


Notes:

[1Dans la province de Québec (Canada), il y a toujours un mouvement indépendantiste mis de l’avant par les sociaux-démocrates de Québec Solidaire et le Parti Québecois.

[2. Pour notre part, cf. Révolution ou guerre #9 : La situation en Espagne et la question catalane ( http://igcl.org/La-situation-en-Espagne-et-la).

[3. https://nuevocurso.org/. Pour une traduction française d’une de leur prise de position sur la Catalogne : http://www.igcl.org/Elections-catalanes-du-21-decembre-334

[6“ (…) We need an international organisation, a party, which can effectively intervene in events such as the strike in Catalonia – to push the struggle beyond the control of unions and institutional parties, and declare independance from all stata of the ruling class, whatever their nationality” Nous traduisons.

[7. Voir entre autres leur travail « journalistique » dans La Nouvelle Gazette rhénane.

[8Évidemment la république démocratique est la forme la plus pure, la plus parfaite de la domination bourgeoise. Mais elle n’est pas la seule. La monarchie constitutionnelle, le fascisme et le stalinisme sont d’autres formes « alternatives » de la domination du capital, dépendantes de conditions historiques particulières.

[9. Écrits militaires, Roger Dangeville

[10. Par exemple sur le syndicalisme, le parlementarisme et la libération nationale, etc. Toutes des positions qui ont été clarifiées définitivement bien après 1914.

[11. C’est là la situation de certaines nations où le développement du capital fut retardataire et où la révolution bourgeoise n’était pas encore complétée à l’approche de la phase de la décadence. La bourgeoisie, au lieu d’aller de l’avant avec sa révolution, s’allie avec l’aristocratie contre un prolétariat de plus en plus menaçant. Les tâches de la révolution bourgeoisie incombent alors au prolétariat. Plusieurs révolutionnaires ont essayé de traiter ce problème, par exemple Trotski avec « La Révolution permanente ».

[12. La question nationale et l’autonomie, Rosa Luxemburg

[14. La question nationale et l’autonomie, Rosa Luxemburg