Révolution ou Guerre n°17

(Janvier 2021)

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Le combat de la Gauche communiste contre le « gramscisme »

Nous publions ci-après (page suivante) une contribution, à l’origine destinée à notre discussion interne, sur le livre en anglais publié par la Tendance Communiste Internationaliste, Gramsci Between Marxism and Idealism [Gramsci entre marxisme et idéaliste]. Ce dernier rassemble une série d’articles du Partito Comunista Internazionalista-Battaglia Comunista, le groupe de la TCI en Italie, rédigés par Onorato Damen et accessibles aussi en italien sur son site web. On y trouve exposé et argumenté à la fois la critique classique de la Gauche communiste du militant Gramsci, conseilliste en 1919-1920 puis acteur principal de la mise au pas stalinienne du PC d’Italie à partir de 1924, et la dénonciation du gramscisme en tant qu’idéologie bourgeoise.

Aujourd’hui, Gramsci est devenu une référence idéologique et politique pour de multiples courants politiques et de pensée bourgeois qui s’attachent à travestir et liquider la théorie révolutionnaire du prolétariat et à justifier des politiques gauchistes anti-prolétariennes et contre-révolutionnaires. « Les mythes sur Gramsci sont sans fin (…). Les volumineux écrits de Gramsci sont aujourd’hui à la base d’études universitaires dans le monde entier. De la linguistique à l’anthropologie en passant par la politique, la sociologie et les ’subaltern studies’, les idées de Gramsci sur l’’hégémonie’, la ’révolution passive’, le ’prince moderne’, la ’guerre des positions’, la ’philosophie de la praxis’, fleurissent à l’époque de la post-vérité qui nie l’existence d’une réalité sociale objective et réduit la société à un ensemble d’individus » (Avant-propos du livre). À l’heure où la crise économique éclate et ne peut qu’exacerber les antagonismes de classes, la mise en avant d’idéologies radicales, pseudo-révolutionnaires, de gauche et gauchistes, est un des axes de l’offensive de classe que la bourgeoisie développe, et va développer encore plus, contre le prolétariat international en vue de le détourner de toute réaction à la crise, ou encore, s’il réagit quand même, de saboter ses luttes. N’est-ce pas précisément ce que nous enseignent les campagnes anti-racistes et identitaires menées aux États-Unis ? Et quoi de mieux que la mystification de la figure de Gramsci et l’idéologie gramscienne – sa théorisation de l’hégémonie culturelle en particulier qui sert de fondement aux politiques identitaires et racialistes – pour donner un peu de goût à la soupe social-démocrate classique à ceux, gauchistes, qui la trouvent trop peu épicées ?

Il est donc heureux et très opportun que la TCI ait décidé de sortir cette publication – peut-on espérer d’autres traductions ? En français ? En espagnol ? Nous invitons tous ceux qui lisent l’anglais et l’italien à lire avec attention ce travail de démystification de la personne de Gramsci et du gramscisme afin de pouvoir s’armer efficacement au plan théorico-politique contre les idéologies bourgeoises radicales de gauche que l’on voit renaître avec vigueur. À ce jour et à notre connaissance, hormis en italien, il n’y avait pas de prise de position achevée, claire et argumentée sur la personne de Gramsci par la Gauche communiste internationale qui fût véritablement disponible, à l’exception des articles en français parus dans Programme communiste, à partir de son numéro 71 de 1976. Nous pouvons même dire que les deux prises de position, les deux aussi sérieuses et profondes l’une que l’autre, chacune ancrée sur les principes marxistes, devraient servir de référence théorique et politique pour toute la Gauche communiste et pour tout militant ou groupe cherchant à se regrouper autour d’elle, voire à la rejoindre. Les deux démontrent avec précision et rigueur le caractère étranger au matérialisme historique, opposé au marxisme, de la démarche théorique et « philosophique » d’ordre idéaliste de Gramsci et l’opportunisme de ses positionnements politiques.

Car, face à la guerre impérialiste en 1914, il se positionne à la droite du Parti Socialiste Italien resté pacifiste, et se retrouve donc fort éloigné de la position révolutionnaire du défaitisme révolutionnaire, au point de se trouver pratiquement sur la même position de « neutralité active et agissante » avancée par… Mussolini. Face à l’éclatement de luttes ouvrières massives en Italie en 1919-1920, l’occupation des usines et le surgissement de conseils ouvriers en particulier à Turin qui suivent la Révolution d’octobre en Russie, Gramsci et son groupe l’Ordine Nuovo se positionnent de fait au côté du PSI, au nom d’un conseillisme autogestionnaire qu’ils ont théorisé, pour détourner le prolétariat de l’affrontement avec l’État bourgeois et le mener ainsi à la défaite. Enfin, une fois nommé bureaucratiquement à la direction du parti par l’Internationale communiste entamant son cours dégénérescent, il se fit le vecteur principal et l’acteur de premier plan de la bolchévisation zinoviéviste du parti, puis de sa stalinisation, en excluant sans hésitation la Gauche à coup de manœuvres d’appareil et autres coups bas n’ayant rien à envier aux staliniens des autres partis communistes.

À défaut de traduction en français ou espagnol, nous espérons que la réflexion qui suit permettra aux lecteurs de ces langues d’avoir des éléments de la critique marxiste du gramscisme et une idée du travail théorique accompli par le PCint. Car le lecteur l’aura compris : nous saluons cette publication, son contenu bien sûr mais aussi son timing, et la faisons nôtre. Sur Gramsci, la Gauche communiste est unie et parle d’une seule voix. Ce faisant, la TCI assume son rôle central au sein du camp prolétarien et dans le combat historique pour le parti. Nous qui n’hésitons pas à relever lorsqu’elle ne le fait pas, du moins pas suffisamment selon nous, n’hésitons pas non plus à la soutenir lorsqu’elle assume pleinement sa place et son rôle.

Le GIGC, novembre 2020

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