Révolution ou Guerre n°17

(Janvier 2021)

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Leçons de la lutte des enseignants aux États-Unis :le racialisme de gauche comme arme du sabotage syndical (GCCF)

Nous publions ci-après une prise de position des camarades du Gulf Coast Communist Fraction sur l’action des syndicats contre les réactions prolétariennes des enseignants aux États-Unis face aux risques sanitaires provoqués par la pandémie de Covid-19. Nous la faisons suivre de notre dénonciation de la théorie dite de « l’intersectionnalité »à la base des idéologies bourgeoise et petite-bourgeoise identitaire et racialiste. Il est des passages ou expressions de l’article des camarades qui mériteraient d’être précisés et discutés. Mais l’essentiel et l’intérêt de cette prise de position sont ailleurs. Outre l’exposition des manœuvres classiques des syndicats pour prévenir et saboter toute initiative de lutte prolétarienne – en particulier en jouant du cadre légal régissant les grèves officielles, l’usage du préavis de grève –, le texte vient illustrer comment les syndicats, y compris les syndicats gauchistes et dits « de base », et la gauche du parti démocrate aux différents groupes gauchistes, utilisent concrètement, dans la réalité immédiate de la lutte des classes, l’identitarisme et le racialisme directement contre la lutte et l’unité prolétarienne. On comprend mieux alors l’ampleur exact du succès remporté par l’offensive bourgeoise idéologique et politique lancée à partir de l’assassinat de G. Floyd et des manifestations de rue qui l’ont suivi et qui s’est conclue sur une participation électorale massive, sans précédent, et l’élection de Biden. On comprend mieux alors l’importance de la clarté et de la rigueur politiques tout comme la nécessité du combat que les révolutionnaires doivent mener contre ces théories gauchistes aussi bien dans leur presse que dans leurs interventions concrètes.

Leçons de la lutte des enseignants aux États-Unis :
le racialisme de gauche comme arme du sabotage syndical (GCCF)

Début août, la revue Jacobin Magazine a publié un article de Ben Beckett, délégué syndical et membre du parti de gauche DSA (Democratic Socialists of America), qui illustre parfaitement comment les illusions colportées par le DSA/Jacobin contribuent à maintenir les travailleurs dans un état de défaite [1]. Comme l’indiquait l’article : « le syndicat des enseignants de Chicago (CTU) a prévu d’organiser un vote sur un préavis de grève pour empêcher les étudiants de retourner à l’école en plein milieu de la pandémie Covid-19. Quelques heures plus tard, la mairie a annulé un plan visant à faire revenir les étudiants dans les écoles deux jours par semaine et a annoncé que les cours d’automne seraient complètement tenus à distance. (...) Littéralement, la vie d’un grand nombre d’enfants, d’enseignants, de personnel scolaire et de parents a été sauvée grâce à la menace de grève des enseignants ». De fait, ces falsifications grossières sur une prétendue victoire des enseignants révèlent la propagande du DSA en faveur du Parti démocrate qui est soutenu par les syndicats. Les écoles ouvraient leurs portes partout aux États-Unis dans un contexte de pandémie qui n’avait pas encore montré de signes d’affaiblissement et les syndicats réussirent à empêcher une grève, donc toute possibilité de généralisation de la lutte ; pendant ce temps, la soi-disant principale voix de la politique socialiste en Amérique encourageait cet étranglement de la lutte.

On peut dire que la menace d’une grève des enseignants a poussé les syndicats et les administrations locales à annuler de manière préventive la réouverture des écoles dans les villes où les rapports profondément imbriqués entre le parti démocrate et les syndicats sont hégémoniques, comme Philadelphie, Los Angeles et Chicago ; d’autre part, les écoles étaient en train de rouvrir largement en dehors de ces villes, ce qui signifiait qu’une grève était toujours nécessaire et que les syndicats n’ont fait qu’éteindre le début d’une telle action. Une grève déclenchée par ces enseignants, que les écoles de ces quelques grandes villes soient restées fermées ou non, aurait été un moyen pour l’étendre à d’autres régions et exiger de toutes les écoles du pays qu’elles ne rouvrent pas ou du moins qu’elles prennent des mesures de sécurité drastiques, telle que la réduction significative du nombre d’élèves par classe, jusqu’à ce que la pandémie se soit considérablement affaiblie (même lorsque l’enseignement à distance est en place, nous ne pouvons accepter rien de moins qu’une réduction de la taille des classes). La manœuvre mise en lumière par l’article du Jacobin est une stratégie d’endiguement réussie pour maintenir les énergies de la classe isolées localement en opposition à leur généralisation. Au mieux, ce que l’on peut en déduire est que le prolétariat est loin d’être un facteur purement passif dans la dynamique de cette situation, mais l’article du Jacobin sert en fin de compte le capital en occultant les véritables leçons à tirer.

Le confinement des luttes ouvrières dans le cadre d’intérêts locaux/régionaux, ou sectoriels particuliers et séparés, est le piège mortel caractéristique imposé par les syndicats, et symptomatique de leur intégration définitive au capital après les deux guerres mondiales. Le capitalisme est un système totalisateur qui peut facilement compartimenter ses pertes dans une de ses parties. Par conséquent la classe ouvrière ne peut défier le capitalisme que comme classe unifiée, et non comme un amalgame de sections particulières divisées selon la région/localité ou le secteur économique/secteur d’activité. En levant leurs menaces simulées de grève des enseignants dans les grandes villes métropolitaines comme Philadelphie et Chicago dès la première concession accordée par les mairies, les syndicats ont tenté de dresser une barrière entre les enseignants des centres urbains les plus peuplés et les enseignants des autres régions du pays où les écoles étaient encore en cours de réouverture. Ce faisant, ils empêchaient l’unification et la centralisation nécessaires pour faire avancer la lutte des enseignants, pour assurer la sécurité des écoles et poursuivre les cours par le biais de l’éducation en ligne, ce qui, en fin de compte, imposait la séparation des enseignants du reste de la classe. Contre le cadre syndical, les enseignants des centres urbains très peuplés de Los Angeles, Philadelphie et Chicago se mettant en grève pour exiger la fermeture des écoles ou des mesures de sécurité radicales dans tout le pays, et pas seulement dans leurs propres villes, pourraient déclencher une vague de lutte et renforcer la capacité révolutionnaire de la classe ouvrière à répondre aux besoins universels et menacer davantage l’ordre capitaliste ; il est logique que certains secteurs locaux de la bourgeoisie, utilisant les syndicats, aient été prêts à retarder les réouvertures d’écoles sous leur autorité si cela signifiait écraser de manière préventive une vague de grèves dans les villes les plus peuplées des États-Unis, et l’empêcher de s’étendre et de s’unifier avec d’autres mobilisations dans tout le pays. La tâche ne consiste pas seulement à unifier les enseignants au-delà des frontières régionales, elle n’est qu’une composante nécessaire de la tâche première qui consiste à unir les travailleurs de tous les secteurs, par une extension géographique et une intensification illimitée de la grève. Au lieu de militer pour le développement de la lutte des classes par l’amorce, l’extension et l’intensification de la grève de masse, les Democrat Socialists of America ont travaillé avec les syndicats et les groupes de militants racialistes pour organiser une journée de protestation impuissante le 3 août. [2]

Bien qu’une manifestation de rue d’ouvriers soulevant des revendications de classe puisse être le terrain de classe et des frontières politiques du prolétariat, la mobilisation et ses slogans faisant avancer la dynamique de la lutte est la condition suffisante pour la considérer comme un terrain politique favorable au prolétariat, sinon c’est un terrain antagoniste à la classe ; et la manifestation organisée conjointement par le DSA et les syndicats ne remplissait pas la condition suffisante qui vient d’être définie, car la mobilisation des enseignants sur ce terrain était préjudiciable à la dynamique de la situation concrète d’alors. Les syndicats et leurs flagorneurs capitalistes de gauche au sein du DSA ont mobilisé les enseignants dans une manifestation de rue, tout en appelant à un vote sur le préavis de grève afin de reporter et de retarder le déclenchement d’une grève jusqu’à ce que l’agitation s’éteigne. Ainsi, Eric Blanc, escroc du DSA qui a profité de la défaite de la dernière vague de grèves d’enseignants en publiant un livre sur ses prétendues victoires, a décrit comment l’annonce de « grèves de sécurité » [des grèves « sanitaires »] par l’Americain Federation of Teachers (le plus important syndicat d’enseignants) pour « remonter le moral », fut en fait une manœuvre visant à contenir et démoraliser les travailleurs [3]. Le groupe Émancipation expose à juste titre cette stratégie de « grèves de sécurité » comme quelque chose « que le syndicat autoriserait - et donc légaliserait - en dernier recours après les avoir étudiées au cas par cas. En d’autres termes, ils pourraient autoriser des grèves spontanées dont le nombre de cas atteindrait des niveaux insupportables. L’objectif serait d’empêcher un exode massif en obligeant les travailleurs à travailler dans des écoles où le nombre de cas serait plus facile à gérer ». [4] Le syndicat n’accepte donc que certaines grèves sporadiques et isolées lorsqu’elles sont absolument nécessaires dans les circonstances les plus graves, plutôt que de soutenir la nécessité évidente d’une grève de masse dans tout le pays, hier et aujourd’hui.

Étant donné que ces organes capitalistes de gauche n’ont aucun engagement sérieux envers les slogans « d’écoles sûres » et de « pas de réouverture » auxquels ils prétendent s’identifier, que reste-t-il de leur contenu politique positif, ou s’agit-il seulement d’un sabotage ? L’examen de certains des éléments participant à la campagne louée par l’organe de facto de propagande du DSA révèle quel programme positif est proposé par ces manifestations et le lobbying « de la base » de l’appareil syndical. Par exemple, la plateforme du Caucus of Working Educators, basée à Philadelphie, présente une catégorie particulière de revendications parmi les revendications génériques du lieu de travail pour lequel le Caucus semble ne pas prendre d’engagement réel compte tenu de son rôle dans ces manœuvres, qui contiennent un contenu racial-identitaire :

- « des programmes d’encadrement rémunérés pour les anciens professeurs de couleur afin de soutenir les nouveaux enseignants ;

- des parcours d’accès pour encourager les lycéens et les étudiants de couleur à entrer dans l’éducation ;

- publication annuelle d’informations démographiques sur les employés par district, afin de montrer la croissance vers cet objectif ». [5]

Il ne s’agit pas de revendications qui répondent à des besoins humains universels, mais d’un favoritisme racial redistributif qui ségrège la classe en identités particulières, niant ainsi son caractère essentiel en tant que sujet politique universel. Un programme visant à payer un salaire extra à certains enseignants basé sur des divisions racialisées a pour but d’accentuer les effets d’exclusion des catégories raciales construites et imposées par le capital.

Un autre exemple du type de politique racialiste présent dans cette campagne est fournie par l’une des organisations qui composent la coalition de militants derrière les manifestations du 3 août : Journey for Justice [En route pour la justice (!)]. [6] Elle se déclare une organisation communautaire de base qui se consacre à la lutte contre la privatisation des écoles et pour la justice raciale/sociale dans le système éducatif. Sa plateforme contient également quelques revendications racialistes révélatrices, telle que « la proposition de mandats fédéraux et locaux d’égalité d’emploi qui pénaliseront les districts qui refusent de s’attaquer à l’inégalité raciale dans l’offre de cours, la mise en œuvre de politiques de discipline et d’accès aux opportunités. » [7] La formulation de cette proposition est suffisamment vague pour que ce qui constitue une « iniquité raciale dans l’offre de cours » puisse accuser des cours jugés ne pas prendre en compte la soi-disant expérience culturelle des étudiants des minorités ethniques et appelant ainsi à des modifications du programme d’études par des experts techniques petits-bourgeois formés par des programmes d’études supérieures en études ethniques, comme ce que le Parti démocrate et son appareil militant associé à Black Lives Matter a en fait essayé de faire en insérant le Projet 1619 du New York Times [8], et d’autres propagandes racialistes, dans certains programmes d’études des écoles publiques [9].

Il ne s’agit pas de défendre le caractère sacré du programme actuel, qui existe pour endoctriner les enfants dans l’idéologie bourgeoise, mais de révéler la mobilisation des travailleurs par les syndicats comme masse de manœuvre pour une nouvelle stratégie idéologique mise en avant par la bourgeoisie. Même en mettant de côté le sens et la signification de ces slogans, et en mettant de côté les problèmes liés à la formulation racialiste, l’application de cette « évaluation de l’équité nationale » nécessiterait une prolifération de nouveaux postes salariés dans la bureaucratie de l’État, qui seraient occupés par des professionnels petits-bourgeois. De plus, ces fonctionnaires seraient chargés de « pénaliser » les districts scolaires qui ne se soumettraient pas à leur mandat (c’est ironiquement la formulation la plus concrète dans la partie de la plateforme citée plus haut). Et quelle serait la pénalité, si ce n’est la suppression du financement des écoles, et qui pourrait être plus touché par cela que les enseignants eux-mêmes ? Par conséquent, une organisation dont l’objectif nominal est de s’opposer au définancement et à la privatisation des écoles, et qui place ainsi les travailleurs sur le faux terrain de la dichotomie entre propriété publique et privée, défend une politique qui en fait exercerait des attaques associées aux politiques de privatisation contre les travailleurs de l’éducation. Mais ce serait sous un vernis ’antiraciste’. C’est une preuve supplémentaire que la protection des intérêts des travailleurs n’est pas une question de nationalisation contre privatisation. Tomber sur ce terrain ne mène qu’à la défaite. En plus de tout cela, Journey for Justice prône une idéologie ségrégationniste pure et simple lorsque son programme déclare que « nous savons que les étudiants réussissent mieux dans l’ensemble lorsqu’ils reçoivent un enseignement de quelqu’un de leur propre groupe racial  » pour justifier une autre proposition de programme qui transférerait matériellement des revenus à la petite-bourgeoisie d’État et diviserait les enseignants selon des critères raciaux. [10] Curieusement, cette section de la plate-forme condamne la privatisation des écoles parce que leur prolifération est en corrélation avec un déclin des enseignants noirs, comme si la privatisation des écoles était acceptable si elle produisait une « égalité raciale » dans l’emploi. Ce que l’on observe ici n’est pas une lutte qui a abouti à une victoire partielle des travailleurs, mais une mobilisation qui a contribué à la nouvelle campagne idéologique raciale-identitaire de la faction bourgeoise représentée par le Parti démocrate.

Et comme si cela ne suffisait pas, un autre membre de la coalition qui organisa la journée de protestation a un caractère politique manifestement réactionnaire : Center for Popular Democracy. Le Centre pour la démocratie populaire est une composante de la machine politique du Parti démocrate, une recomposition des anciennes branches du défunt (depuis 2009) Acorn, qui avait lui-même la même fonction que son successeur. Ce groupe de défense reçoit un financement direct de la Fondation Ford et de Democracy Alliance, cette dernière comptant parmi ses membres les milliardaires Georg Soros et Tom Steyer. [11] Il est difficile de comprendre comment des groupes de dotation bourgeois pourraient se situer du même côté que la classe ouvrière, mais il a déjà été démontré quels intérêts politiques sont réellement servis.

Alors que la gauche se félicitait de la victoire ridicule du « presque, mais pas vraiment faire la grève », les enseignants ont continué à être au premier rang de la lutte contre les sacrifices pour le capital. Le 15 août, les enseignants de l’Arizona ont procédé à un « sick-out » [un arrêt de travail pour cause de maladie [12]] pour obliger les écoles à annuler les cours et à poursuivre l’année avec l’enseignement à distance. [13] Cette action n’a pas été appelée par le syndicat, mais par les enseignants eux-mêmes, malgré une tentative du syndicat de s’en attribuer le mérite après coup lors des négociations [14] alors qu’il resta silencieux pendant toute la durée de l’arrêt de travail. [15] Il y a même eu quelques expressions appelant à une « maladie nationale » de la part des enseignants. [16] Il n’a pas fallu longtemps pour que les syndicats réagissent par leur stratégie de « grève de la sécurité », comme on peut le voir dans ce qui s’est passé à Andover, dans le Massachusetts, le 31 août. La publication intitulée Labor Notes présente une journée de sit-in organisée par le syndicat des enseignants comme un exemple de la façon dont les travailleurs montrent leurs muscles en tant que classe, journée qui se termina par un « vote de défiance » (geste de condamnation impuissant) du syndicat contre le directeur local et un défilé dans les bâtiments de l’école. [17] Ce qui est commodément omis par Labor Notes, c’est que le syndicat n’a pas seulement voté pour condamner le directeur, mais a également voté pour le retour au travail dans les bâtiments scolaires ! Après une journée de travail à l’extérieur du bâtiment, le syndicat a officiellement décidé que « les éducateurs entreront à contrecœur dans les bâtiments scolaires le mardi sous la contrainte et espèrent que le comité scolaire commencera à négocier de bonne foi avec nous des critères raisonnables de santé et de sécurité ». [18] Les travailleurs en lutte ne devraient jamais se bercer d’illusions sur la « bonne foi » de la bourgeoisie, et les syndicats renforcent cette illusion ! Ce qui s’est passé à Andover, dans le Massachusetts, c’est que le syndicat avait voté pour autoriser une action d’une journée, planifiée à l’avance, quelques jours avant le sit-out, au milieu des inquiétudes croissantes des enseignants et des frustrations liées aux plans de réouverture en cours de négociation. [19] Cette action ne pouvait se terminer autrement que comme elle s’est terminée : le sabotage des revendications, la démoralisation des enseignants et un retour aux cours en présentiel sans véritables mesures sanitaires. Le syndicat manœuvra pour s’assurer que les travailleurs n’agissent pas tant qu’il n’eut pas posé le préavis et une fois qu’il l’eut fait, il travailla à la capitulation et au sabotage ; et « retira » le préavis. Il en fut de même à Andover, où le syndicat autorisa un sit-out d’une journée pour gagner en légitimité auprès des enseignants, puis vota pour ré-entrer en manifestant dans les écoles, mettant ainsi un frein au chemin menant à la victoire des revendications. Contrairement à l’action des enseignants du district de J.O. Combs en Arizona [20], les représentants du syndicat d’Andover se sont précipités pour parler au nom des enseignants qui étaient manifestement trop occupés à travailler à l’extérieur [lors du sit-out, ndt] pour parler en leur nom propre. [21] La leçon pratique à tirer de tout cela est d’imposer des grèves de solidarité contre le cadre syndical de la « grève de sécurité », ou plutôt d’opposer la grève de masse à la « grève de sécurité » ; c’est-à-dire d’intervenir et de faire campagne pour une extension illimitée de la grève, non seulement sur la base des travailleurs d’un même secteur s’unissant à partir de régions différentes, mais aussi sur la base de tous les travailleurs, quel que soit le secteur, dans une zone géographique. Contre les grèves de sécurité, pour des grèves de solidarité !

Quelques mois se sont écoulés depuis ces événements, et malgré les espoirs d’un prochain vaccin, le virus fait toujours rage. Les États-Unis ont élu un nouveau président, mais cela n’inversera pas la tendance à la réouverture prématurée des écoles, pour reprendre l’expression d’Émancipation : « Pour les syndicats, liés au parti démocrate, le principal problème du plan de Trump n’aurait rien à voir avec le fait qu’il met nos vies en danger. Pas du tout. Tout le problème serait qu’il n’est pas bien planifié et que ce n’est pas un vrai plan. Ils signalent qu’il y a un danger que les travailleurs se méfient de ce plan et refusent de l’exécuter. En d’autres termes, cela pourrait provoquer une trop grande instabilité sociale... Par conséquent, le but des syndicats est d’améliorer le plan de réouverture avec des mesures complémentaires pour rétablir la confiance ... et maintenir l’objectif final de réouverture des écoles quoi qu’il arrive ». La réouverture des écoles de Chicago est prévue en janvier [22], alors que les écoles de Los Angeles ont été rouvertes depuis longtemps, depuis la publication initiale de l’article du Jacobin cité au début de cet article. Sans surprise, la situation de la pandémie est devenue trop grave pour être ignorée, ce qui a poussé l’État de Californie à recourir aux mesures autoritaires typiques qui évitent d’aborder la véritable question du danger des lieux de travail. Pendant ce temps, à New York, bien que les enseignants aient déclaré qu’ils n’étaient pas disposés à attendre un vote sur le préavis syndical pour faire grève [23], la politique chaotique de la ville oscillant entre ouvertures et fermetures d’écoles a affaibli la capacité d’action des enseignants. Jusqu’à présent, ils n’ont mené que quelques actions isolées [24]. L’alternance confuse de réouverture et fermeture des écoles a effectivement opposé les parents et les élèves aux enseignants, érodant la capacité de ces derniers à prendre la tête de cette lutte. [25] Il n’est pas surprenant que le propagandiste racialiste à l’origine du projet 1619 ait saisi la première occasion pour condamner la fermeture des écoles et prétendre que les risques sont faibles ; une preuve supplémentaire de l’alignement en faveur de l’ouverture des écoles et la campagne idéologique raciale bourgeoise. [26] En outre, le syndicat des enseignants de Chicago (CTU) a publié un tweet, rapidement supprimé par la suite, déclarant que « l’incitation à la réouverture des écoles est enracinée dans le racisme et le sexisme ». [27] Cette déclaration signifie que les réouvertures d’écoles sont injustifiées parce qu’elles sont « enracinées dans le racisme et le sexisme », et que les écoles peuvent donc être rouvertes si le plan de réouverture n’est pas « raciste » ou « sexiste ». En fait, les écoles devraient rouvrir en fonction du développement de la campagne idéologique raciale bourgeoise, et non pas en fonction des besoins des travailleurs. Si le vaccin s’avère efficace, la question posée sera alors de savoir en fonction de quels besoins les écoles seront rouvertes. Selon les besoins du capital, ou selon les besoins humains universels (qui ne peuvent être satisfaits que par le terrain spécifique du prolétariat) ? La réponse à cette question ne peut être apportée que par la lutte des classes active.


Antonio Lakhan (Gulf Coast Communist Fraction), December 2020

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Notes:

[3. ibid

[8. « The 1619 Project (Le Projet 1619) est un projet du New York Times Magazine en 2019 dans le but de réviser l’héritage de l’esclavage aux États-Unis » (wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/The_1619_Project) [Note de la rédaction].

[12. Cela permet d’éviter la répression et les conséquences d’une grève sans préavis, d’une grève illégale [note de la rédaction]

[15. Les lois sur le droit au travail et la grève sont souvent citées comme excuse pour expliquer pourquoi le syndicat semble absent, voire hostile, à toute action. Cependant, il s’agit d’une excuse inacceptable qui n’est utilisée que de manière sélective et par commodité. Comme on l’a vu dans le Massachusetts, le syndicat n’a pas hésité à faire connaître sa présence en soutenant une action considérée comme une ’grève illégale’, tant qu’elle était entièrement sous le contrôle du syndicat.