Révolution ou guerre n°19

(Septembre 2021)

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Nouvelle Plateforme politique du GIGC

Le GIGC vient juste d’adopter une nouvelle plateforme politique qui est résumée dans les Positions de base que nous reproduisons ci-après et qui seront dorénavant sur la dernière page de couverture de cette revue. À l’origine, à la conférence de 2013 de constitution du GIGC, nous avions formellement repris comme plateforme minimale les positions de base présentes au dos des publications du Courant Communiste International (CCI), sauf la référence à sa position sur la Décomposition, et qui sont très proches, si ce n’est similaires, à celles de la Tendance Communiste Internationaliste (TCI). « A ce titre et sous cette forme, la plate-forme exigera des développements et une argumentation plus importants dans le futur », disions-nous alors. (Résolution sur la constitution du GIGC]) Une de nos orientations était de réussir à rejeter les fausses – car essentiellement causées par des réflexes d’ordre sectaire – oppositions entre la TCI et le CCI et d’éclaircir quels étaient les véritables divergences et les débats à soulever, débattre et clarifier. Notre plateforme constitue le résultat final de la réalisation de cette orientation. Elle sera disponible très rapidement sur notre site web et sous forme de brochure que nous allons imprimer. Celle-ci contiendra aussi nos prises de position critiques [1] sur les plateformes de la TCI et du CCI, dont l’élaboration date des années 1970 et 1980. Ces prises de position, tout comme les discussions que nous avons eues avec de nouveaux camarades désirant se regrouper et adhérer au GIGC, furent d’importants moments pour l’élaboration de notre propre texte. Fondamentalement, nous pensons que ce sont les développements de la situation historique de la dernière décennie qui exigeaient le dépassement des anciennes plateformes devenues inadaptées et l’adoption de celle-ci. La rupture causée par la crise et la pandémie, c’est-à-dire la précipitation des événements économiques et impérialistes dramatiques et la croissante et active actualité de l’alternative révolution ou guerre sur ceux-ci, rendirent son adoption urgente et un besoin absolu.

Mais qu’est-ce qu’une plateforme politique et pourquoi est-elle indispensable ? La plate-forme politique d’un groupe, ou parti, révolutionnaire est un document pratique destiné à servir de référence et de guide au groupe comme un tout, c’est-à-dire, à ses organes centraux, ses sections nationales et locales, ses militants, lorsqu’ils interviennent dans les luttes de la classe ouvrière. Elle doit être aussi claire que possible, afin d’équiper au mieux théoriquement les différentes parties de l’organisation et pour toutes les prévenir (dans la mesure du possible) contre les dérapages vers l’opportunisme qui se produisent inévitablement lorsque l’idéologie bourgeoise et les pratiques qui en découlent parviennent à exercer leur influence sur tout groupe ou parti révolutionnaire.

Dans la mesure où la classe ouvrière lutte plus efficacement lorsqu’elle agit en accord avec le contenu politique immanent, ou latent, de sa lutte, même dans les luttes apparemment les plus banales et quotidiennes qui se déroulent sur son propre terrain, la plate-forme est un document de combat qui doit viser à être d’une utilité directe aussi pour le prolétariat en lutte. La nécessité historique de renverser le capitalisme est inhérente même aux luttes quotidiennes, immédiates, que les participants à ces luttes immédiates en soient pleinement conscients ou non. La classe ouvrière ne peut développer ses combat et résister au capital que lorsqu’elle réussit à réaliser le contenu politique latent de ses luttes et agit en conséquence, car même la lutte prolétarienne la plus limitée sur son propre terrain est immédiatement confrontée à toute la puissance juridique et répressive de l’État capitaliste que ce dernier juge nécessaire pour étouffer dans l’œuf le réveil authentique de son ennemi mortel, le prolétariat révolutionnaire.

Étant un document qui vise à être d’une utilité pratique dans la lutte prolétarienne, la plate-forme doit tenir compte de la réalité de la situation actuelle. Un des aspects de cette dernière qui est sous-estimé - y compris par les groupes qui proclament haut et fort la mort de la Gauche communiste ainsi que par ceux qui prétendent en être les seuls représentants, mettant tous les autres groupes révolutionnaires dans le même sac que les gauchistes purs et durs – est précisément l’existence d’un camp prolétarien/révolutionnaire. Au contraire, nous devons reconnaître la réalité de ce camp, y compris toutes ses faiblesses, ses ambiguïtés et ses réflexes sectaires parfois ombrageux.

Notre plateforme se fonde sur et s’articule autour de la question centrale du parti, en tant qu’avant-garde et direction politiques du prolétariat, en tant qu’expression la plus haute de la conscience de classe. C’est cette position de principe centrale du marxisme et parce que nous voulons faire d’elle un document pratique que sa rédaction a explicitement pris en compte 1) l’existence du camp prolétarien, et 2) la nécessité de la lutte, même la plus quotidienne en apparence, sur le terrain prolétarien pour réaliser son contenu politique immanent, un processus qui passe par la grève de masse, jusqu’à l’insurrection, la destruction de l’État capitaliste, l’exercice de la dictature prolétarienne à l’échelle mondiale, et finalement la transition vers le communisme, sous la direction du parti communiste international.

La reconnaissance de la réalité du camp prolétarien n’est que la première étape de la formation de l’unité politique de principe indispensable à la constitution du futur parti. La confrontation, le débat, voire, la polémique sont nécessaires pour que le camp prolétarien adopte une méthode de fonctionnement de parti. C’est seulement en adoptant une telle méthode que le camp prolétarien peut commencer à agir comme une avant-garde efficace, une avant-garde reconnue comme telle par les prolétaires en lutte. Imaginez l’absurdité, la stupidité absolue, d’un groupe communiste, proclamant la nécessité de l’unité prolétarienne et faisant partie d’un milieu de groupes et de cercles révolutionnaires aux positions de principe communes, internationalisme prolétarien et exercice de la dictature du prolétariat en particulier, qui ignorerait les positions des uns et des autres et ne les confronterait pas, voire qui afficherait son hostilité et son sectarisme, alors qu’il appelle à l’unité dans les luttes prolétariennes.

On peut, bien sûr, comprendre le désespoir qui s’empare de beaucoup dans le camp prolétarien aujourd’hui. Les militants expérimentés peuvent remarquer que le nombre de militants révolutionnaires n’augmente pas de manière significative dans leurs organisations. Ce serait une réaction compréhensible, bien que finalement contre-productive, que de vouloir recruter un plus grand nombre de militants en s’adaptant au climat idéologique actuel ; en permettant l’éclectisme dans les rangs de l’organisation ; en soutenant, par exemple, que l’anarchisme est une théorie révolutionnaire du prolétariat à côté du matérialisme historique, plutôt que la théorie idéaliste du lumpenprolétariat et de la petite bourgeoisie contre-révolutionnaires, quels que soient la sincérité et le statut sociologique des militants des organisations anarchistes ; en soutenant que les communistes de gauche sont favorables au "communisme libertaire" parce que le communisme "autoritaire" est un oxymore, etc. Cet opportunisme à courte vue peut gagner de nouvelles recrues à court terme, donnant l’impression que l’on fait grandir l’organisation, mais c’est un édifice construit sur du sable. Face à la tempête historique qui sera inévitablement provoquée par les contradictions insolubles du capitalisme, ce que l’on exige de l’avant-garde révolutionnaire, c’est la rigueur théorique, pas l’éclectisme ; une démarcation claire de l’idéologie bourgeoise, pas un accommodement mou.

C’est cette rigueur théorique et cette démarcation claire du gauchisme que notre nouvelle plate-forme vise à fournir. Elle le fait en revendiquant exclusivement l’héritage théorique et politique de la Gauche communiste dite italienne [2], sans ignorer complètement les différentes autres Gauches et Oppositions qui ont cherché à résister à la dégénérescence stalinienne de la Troisième Internationale. Aujourd’hui, et devant la déconfiture quasi complète des autres Gauches communistes, celle issue de la Gauche dite Germano-hollandaise, ou encore conseilliste, en particulier, il ne fait guère de doute que la filiation et l’héritage programmatique, théorique et politique de la Gauche communiste internationale repose quasi exclusivement sur la Gauche dite italienne.

Elle a été le courant politique le plus clair qui a combattu ouvertement et pied à pied, au sein même de l’Internationale communiste, contre sa dégénérescence stalinienne. Mais l’histoire du mouvement ouvrier n’a pas commencé avec elle. Notre nouvelle plate-forme se revendique de l’héritage des gauches des Internationales précédentes ; Rosa Luxemburg et Lénine contre les réformistes et les opportunistes de la Deuxième Internationale ; Marx et Engels contre les bakouninistes de la Première, pour ne citer que les représentants les plus éminents de ces gauches.

Les principales armes du prolétariat sont son unité et sa théorie révolutionnaire. Mais pour que cette dernière ne soit pas lettre morte, elle doit être actualisée dans la lutte de la classe ouvrière, par la praxis. La classe ouvrière, étant objectivement une classe contre le capital, tend à résister et lutter constamment et, in fine, à se révolter inévitablement contre sa condition d’exploitation et d’oppression. C’est tout au long de ces combats et de cette lutte historique du prolétariat que la minorité politique de la classe, regroupée et organisée dans ses organisations et son parti politiques, se doit d’intervenir dans toutes les luttes prolétariennes, de la plus petite à la plus grande, au plan local comme aux plans national et international, pour développer et assurer au mieux la direction politique des combats prolétariens.

Dans chaque lutte prolétarienne, petite ou grande, l’avant-garde prolétarienne intervient sur un terrain contesté, un terrain occupé par des formations politiques bourgeoises, en particulier de gauche et gauchistes, dont les politiques ont pour résultat objectif, si elles sont reprises par le prolétariat, de conduire à la défaite ; à la démobilisation de la nécessaire lutte de classe du prolétariat, et à la mobilisation pour la "solution" de la bourgeoisie aux contradictions structurelles de son système : la guerre impérialiste généralisée. En cela, toute lutte prolétarienne pour des revendications économiques, même la plus limitée, est aussi de fait une lutte politique que la classe et les révolutionnaires doivent assumer. C’est précisément parce que l’avant-garde prolétarienne doit intervenir sur un terrain politiquement contesté, celui des luttes prolétariennes, que la démarcation la plus claire possible avec le gauchisme est indispensable. Cela explique l’espace que notre texte programmatique consacre à la définition des frontières de classe. Ce document ne cherche pas à séduire les militants à mi-chemin entre le gauchisme et les positions authentiquement révolutionnaires en laissant, par exemple, une ambiguïté sur la nature de classe des syndicats, des partis de gauche, du gauchisme, de l’anarchisme, ou encore des luttes de libération nationale, etc. Les militants sont invités à se positionner clairement pour ou contre telle ou telle proposition afin que nous puissions voir où ils en sont. Nous ne pouvons pas compter sur le brio de militants individuels pour contribuer à la formation du principal instrument de l’émancipation du prolétariat, le Parti international. En effet, celui-ci n’est ni une addition d’individus, encore moins une secte suivant un guru éclairé, mais un collectif anonyme de militants dont l’unité dépasse la somme des individus qui le compose. Elle ne peut donc être fondée que sur les principes et le programme communistes et sur la conviction politique communiste des militants. L’adoption de la méthode de parti et d’une plate-forme aussi claire que possible est nécessaire pour cela.

Le GIGC, Septembre 2021

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Notes:

[2. Nous adoptons ici cette terminologie en utilisant le qualificatif "national" avec hésitation. D’une part, parce que la Gauche "italienne" était un courant international, et d’autre part, parce que son héritage et sa valeur sont d’une importance universelle pour le prolétariat international. Cet héritage ne doit pas être réduit à une simple expression politique du prolétariat italien, réduction implicite dans l’utilisation du qualificatif national.