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À propos d’une grève illimitée dans le secteur des télécoms en Espagne
Nous reproduisons la présentation que les camarades de la Communist Workers Organization (organisation de la Tendance Communiste Internationaliste en Grande-Bretagne) ont fait à leur traduction en anglais Spanish Telecom Workers on All-Out Strike d’un récit de la grève illimitée dans le secteur des télécoms en Espagne (teleafonica.blogspot.com.es). Le lecteur peut le consulter traduit en français, Chronique d’une grève illimitée, sur le site de Robin Goodfellow. Nous soutenons la démarche de soutien de la CWO (et celle de Robin Goodfellow) aux grévistes en Espagne (qui subissent des conditions d’exploitation chaque fois plus insupportables comme partout dans le monde) et sa volonté de souligner l’importance et la signification politique de ce type de lutte ouvrière actuellement : ces luttes sont une réalité “ censurée ” aujourd’hui au niveau international. En reproduisant ce texte, nous essayons en premier lieu de participer à l’effort de la CWO pour essayer de « briser le black-out des nouvelles sur la résistance des ouvriers ».
Nous sommes aussi globalement d’accord avec sa dénonciation des syndicats qu’ils soient “officiels ” (les grandes et vieilles confédérations syndicales) ou bien qu’il s’agisse des syndicats plus combatifs et minoritaires souvent présentés comme les “ syndicats de base ”. Effectivement, toute organisation de masse unitaire, toute organisation de lutte, (type syndicat bien sûr mais il en va de même pour toute assemblée ou comité de grève qui survivrait à une lutte ouverte) ne peut subsister en permanence sauf à être inexorablement absorbée et retournée par l’État capitaliste de notre époque contre les intérêts de la classe ouvrière. Dans ce sens, la formule du texte de la CWO selon laquelle « les comités de grève des ouvriers formés à partir de la lutte et contrôlés par les rassemblements ou assemblées de masse sont une voie plus efficace pour la véritable lutte » est maladroite car elle laisse la porte ouverte à l’idée que les syndicats représenteraient encore “ une voie (certes moins efficace) pour la lutte ”. Alors qu’ils en sont les saboteurs et les opposants (quelles que soient la volonté et la sincérité des délégués et militants de base).
Enfin, nous pensons que la mise en avant par la CWO d’une orientation d’extension internationale au secteur des télécoms car « il y a des possibilités concrètes ici pour une extension internationale de la lutte dans la mesure où Telefonica opère dans 5 pays et emploie plus de 100 000 travailleurs » n’est pas la voie à suivre, ni l’orientation de combat à mettre en avant dans cette lutte. Concrètement, dans les faits réels et dans la pratique, cette orientation si elle devait être reprise par les travailleurs signifierait s’enfermer très rapidement sur le terrain corporatiste, le terrain syndicaliste par excellence, et donc redonner inévitablement la main aux syndicats officiels. Selon nous, l’orientation principale que les communistes doivent mettre en avant dans ce type de luttes est au contraire l’extension “géographique ” par delà la corporation, dans les villes et entreprises qui sont accessibles par la masse des travailleurs en grève ; dans ce cas, aux autres secteurs ouvriers de Madrid, de Barcelone, etc... Ainsi l’extension de la lutte aux autres secteurs sur une base géographique tend à affirmer l’unité et l’autonomie de la classe ouvrière comme un tout face à l’État capitaliste et l’ensemble de son appareil (syndicats, forces politiques, police, médias, etc.) qui, en autres choses, cherche toujours à la diviser et précisément à briser son unité. C’est, selon nous, “ la voie la plus efficace ” car une “ possibilité concrète ” (réellement, pratiquement, celle-là, il est plus facile et possible de contacter les travailleurs de la même ville que ceux de la même entreprise “ mondialisée ”) pour imposer un rapport de forces au capital tant du point de vue des revendications immédiates (et ainsi pouvoir faire reculer momentanément le capital au plan de ses attaques économiques) que du point de vue de l’indispensable expérience pour la lutte historique révolutionnaire du prolétariat. C’est aussi comme cela que les « étincelles de conscience se développeront [et] se relieront politiquement au programme communiste ».
Ces quelques observations critiques faites, il n’en reste pas moins que nous partageons l’essentiel de la dénonciation des syndicats faite par la CWO tout comme sa mise en évidence « qu’après des années de recul, cette lutte montre que la classe ouvrière (...) a encore une histoire propre devant elle » et qu’elle tend à développer ses luttes de résistance partout dans le monde. Nous invitons nos lecteurs à prendre connaissance aussi de l’article Luttes ouvrières en Turquie. « Nous ne voulons pas de syndicats, nous avons mis sur pied des conseils ouvriers » rédigé par un ancien membre du CCI en Turquie. Il est reproduit sur le site de la TCI et vient à la fois exprimer la réalité des luttes ouvrières d’aujourd’hui contre le capitalisme en crise malgré la censure mais aussi leurs potentialités d’extension et d’unification du combat contre les sabotages opposés par les syndicats. Loin d’être marginaux ou “ périphériques ”, ces luttes expriment une tendance générale réelle à l’échelle internationale que les grèves répétées et régulières qui secouent l’Allemagne, particulièrement dans les transports, depuis au moins un an, tout comme les mobilisations massives dans nombre de pays, telles celles du Mexique, viennent aussi confirmer : nous entrons dans une période de confrontations massives entre les classes à l’échelle internationale.
GIGC, 8 juin 2015.
La grève illimitée des travailleurs espagnols des télécoms (CWO-TCI)
Le document qui suit est traduit de teleafonica.blogspot.com.es. Il décrit la grève illimitée ou totale des travailleurs du secteur des télécommunications en Espagne. Cela est déjà rare en soi dans la lutte de classe de ces dernières années. Nous ne partageons pas nécessairement les perspectives du rédacteur JM (que nous ne connaissons pas) mais nous le publions car il est de notre devoir internationaliste de briser le black-out des nouvelles sur la résistance des ouvriers aux attaques croissantes du système capitaliste sur leurs conditions de vie. Pour ce que nous en comprenons, la grève continue encore après deux mois et les travailleurs se sont organisés eux-mêmes en assemblées qui se réunissent tous les 15 jours. Il est rare aujourd’hui de voir des travailleurs se mettre en grève totale mais JM montre bien qu’ils ont atteint un point de désespoir face au niveau d’exploitation provoquée par la précarisation des conditions de travail (faux “ auto-entrepreneurs ” pour que les ouvriers paient leur propre équipement, pas d’horaires mentionnées dans les contrats, etc.) qui sont maintenant prévalents dans les pays capitalistes avancés. Cela aura beaucoup d’échos pour les ouvriers de toutes parts qui vivent les même conditions.
Ses commentaires sur les syndicats, officiels et nouveaux syndicats, sont intéressants. Fondamentalement, il les accusent d’être inutile pour la défense des intérêts immédiats des travailleurs. Les syndicats établis sont tellement devenus une partie du cadre légal de l’État que cela est maintenu reconnu par de nombreux ouvriers au niveau mondial. Cependant, beaucoup espèrent encore qu’en constituant de nouveaux syndicats de base, ils peuvent les transformer en de véritables organes de lutte. Mais, comme JM l’évoque, les nouveaux syndicats sont à peine mieux que les vieux car dès qu’ils ont une existence permanente, ils sont alors aussi aspirés dans les arrangements institutionnels de l’État et se situent sur un autre terrain que celui des travailleurs en lutte. Le problème n’est pas ici une question d’intentions, de bons ou mauvais dirigeants, mais de la fonction de tout organe économique qui vise à une existence permanente aujourd’hui sous le capitalisme. Voilà pourquoi les comités de grève des ouvriers formés à partir de la lutte et contrôlés par les rassemblements ou assemblées de masse sont une voie plus efficace pour la véritable lutte comme le montrent les ouvriers des télécoms en Espagne.
Les ouvriers des télécoms luttent ici pour leur propre existence et les arguments de JM sur la nécessité d’une plus grande solidarité à leurs égards sont très convaincants. Nous ne faisons pas de commentaires sur leurs revendications qui sont l’affaire des ouvriers en lutte. Mais les obtenir sera difficile car le capitalisme en crise se doit d’augmenter le taux de l’exploitation. Il y a aussi un aspect qui manque dans le récit de JM. Il y a des possibilités concrètes ici pour une extension internationale de la lutte dans la mesure où Telefonica opère dans 5 pays et emploie plus de 100 000 travailleurs. Mais ce n’est pas mentionné dans ce document. Cependant cela n’enlève rien au fait qu’après des années de recul, cette lutte est une pièce de plus qui montre que la classe ouvrière que les gribouilleurs capitalistes ont gommé de l’histoire, a encore une histoire propre devant elle. À long terme, cela ne sera pas juste revendiquer de meilleures conditions de travail face aux patrons mais un système meilleur qui non seulement se passera de patrons mais de tout le système d’exploitation. Des luttes comme celle-ci, des étincelles de conscience se développeront qui au cours du temps se relieront politiquement au programme communiste pour établir un cadre organisationnel qui peut mener le combat pour un nouveau monde de producteurs librement associés.
CWO, 7 juin 2015 (traduit en français par le GIGC).
Le lien avec la traduction en français du compte-rendu de la grève : Chronique d’une grève illimitée par JM, grèviste, employé sous-traitant sur le site de Robin Goodfellow.