Révolution ou guerre n°24

(Mai 2023)

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Grèves ouvrières durant la « Bonne Guerre » de 1939-1945 (Klasbatalo-Tendance Communiste Internationaliste)

Nous reproduisons ci-après un article des camarades de la TCI au Canada, le groupe Klasbatalo, qui illustre le maintien de la lutte des classes et la capacité du prolétariat à lutter pour la défense de ses conditions de vie même durant durant les pires périodes de la contre-révolution et de la guerre impérialiste généralisée, ici la Seconde Guerre mondiale. Le fait que ces grèves et luttes se déroulèrent au Canada exprime l’être international et internationaliste du prolétariat. À l’heure où la guerre continue ses ravages en Ukraine et où tous les prolétariats, en particulier ceux vivant dans les puissances capitalistes et impérialistes dites « démocratique », sont appelés à se serrer la ceinture pour la défense de l’Ukraine et l’effort de guerre présent et à venir – il en va de même de l’autre côté, du côté de l’impérialisme russe et de ses soutiens –, le rappel de ces épisodes inconnus de la lutte de notre classe doivent inspirer les générations prolétaires actuelles.

La société capitaliste est marquée par un antagonisme fondamental entre deux classes : la classe ouvrière et la classe capitaliste. En temps de crise, les politiciens et les experts masquent cet antagonisme en faisant appel à des capitalistes font appel à la ’paix sociale’ pour duper les travailleurs et les amener à prendre du retard sur l’effort ’national’.

Plusieurs tentatives de ce type ont été faites au cours de ces dernières années : pendant la pandémie, le gouvernement disait vouloir "soutenir les travailleurs essentiels sans augmenter les salaires “,. Après le déclenchement de la guerre par Poutine en 2022, une baisse des salaires et un recul de l’âge de départ à la retraite des travailleurs en France et en Angleterre ont été justifiés par “l’effort national” qu’il convenait de fournir dans le contexte d’une guerre entre nations.

Presque universellement, les attaques contre la classe ouvrière et ses conditions de vie ont lieu sous couvert d’un sacrifice commun à tous. La « paix sociale » est assimilée, par la gauche comme par la droite, à la « bonne cause » pour sauver la nation. La Seconde Guerre mondiale impérialiste en est un parfait exemple : l’histoire officielle présente l’effort de guerre par les puissances alliées comme une défense de la “démocratie”, menacée par l’URSS et Hitler, qui exige de sacrifier les intérêts immédiats des travailleurs. ,

En réalité, la ’paix sociale’ de la Seconde Guerre mondiale n’est qu’un mythe. Malgré la propagande, les travailleurs de tout le Canada se sont engagés pendant toute la durée de la guerre contre les restrictions de salaires, pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Ils ont exercé leur capacité de grève et de négociation collective.

Au début de la guerre en 1939, l’État canadien a établi une série de contrôles des salaires et des prix. En théorie mis en place pour empêcher l’inflation en temps de guerre,il s’agissait en fait d’une attaque directe contre la classe ouvrière en empêchant les augmentations de salaire alors que le chômage diminuait en raison de la mobilisation pour la guerre. Partout au Canada, des commissions régionales du travail ainsi que la Commission nationale du travail de guerre (NWLB) ont été créées pour « arbitrer » les conflits de travail, mais dans tous les cas, leur fonction principale était d’étouffer la lutte des classes et de faire respecter les revendications des patrons. Tout au long de ce processus de « conciliation », les grèves ont été rendues illégales.

Des milliers de femmes défilent contre les conditions de travail au sein des mines de Kirkland Lake (1941)

Malgré la répression stricte des grèves pendant la guerre, la classe ouvrière au Canada parvient à lancer une vague de grèves qui menace le capital canadien de 1941 à 1943. Au cours de cette période, 425 000 travailleurs participent à 1 106 grèves. En 1943, un tiers des travailleurs syndiqués sont sur les lignes de piquetage. La grève constitue une réponse directe au contrôle des salaires et à la détérioration des conditions de travail alors que l’État mobilisait l’économie pour la guerre impérialiste.

Des batailles rangées dans la guerre des classes ont eu lieu à travers le pays ; travailleurs des chantiers navals au Québec et dans les Maritimes, travailleurs du système de transport en commun, des aciéries et d’une usine d’avions à Montréal, métallos à Sault-Sainte-Marie, ON, Trenton, ON et Sydney, Nouvelle-Écosse, mineurs à Kirkland Lake, ON , et les travailleurs de l’automobile de Ford à Windsor ont tous déclenché des grèves illégales pour défendre leurs conditions de vie.

En fin de compte, de nombreuses grèves ont été vaincues par la répression des commissions du travail, l’intervention du gouvernement fédéral, le recours à la police et aux briseurs de grève et par le sabotage des syndicats. Lorsque les métallurgistes de Sault-Sainte-Marie ont rejeté une maigre offre du NWLB, les « dirigeants » du syndicat CIO les ont forcé à se retirer et à abandonner tout espoir de reprendre la grève.

L’État canadien ne se demandait pas si l’effort de guerre reposait sur la victoire du capital contre les travailleurs. En 1943, pendant les grèves de l’acier à Sault Ste. Marie, Trenton et Sydney, le premier ministre William Lyon Mackenzie King a rencontré les grévistes pour les convaincre de ne pas faire pression pour un salaire minimum de 55 cents et a écrit dans son journal :

« J’ai dit [aux sidérurgistes] qu’ils doivent se rendre compte qu’au fond de toute cette guerre se trouve la question de la sécurité sociale [lire : la paix sociale]. Que toutes les parties sont solidaires dans le maintien de cet objectif et que nous devrons commencer par notre propre arrière-cour à Sault Ste. Marie et Sydney. »

Le combat de notre classe pendant la Seconde Guerre mondiale nous donne une leçon pour aujourd’hui : rejetez la « paix sociale » pour la lutte de classe ininterrompue ! La lutte des classes ne cessera jamais simplement parce que les capitalistes le veulent ; nous devons nous battre pour l’étendre à tous les échelons et lui donner un caractère direct et politique. Alors que les tensions impérialistes ne font que s’intensifier et que le Canada et tous les autres États capitalistes se préparent au conflit, nous devons, maintenant plus que jamais, lutter pour l’indépendance de la classe ouvrière et guider notre classe vers sa victoire révolutionnaire ultime sur le système capitaliste.

Klasbatalo

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